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Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/32

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d’elle, je suis avec elle ; je m’épanouis sur elle en tremblant.

… Mes mains se tendent pour l’embrasser. Je suis un homme comme les autres, toujours tristement prêt à s’éblouir de la première femme venue. Elle est l’image la plus pure de la femme qu’on aime : celle qu’on ne connaît pas encore toute, celle qui se révélera, celle qui contient le seul miracle vivant qui soit sur terre.

Elle se retourne et glisse dans la chambre déjà nocturne, comme un nuage, avec ses formes rondes et bercées. J’entends le murmure profond de sa robe. Je cherche sa figure comme une étoile ; mais je ne vois pas plus sa figure que sa pensée.

Je cherche le sens de ses gestes ; mais ils m’échappent. Je suis si près d’elle, et je ne sais pas ce qu’elle fait ! Les êtres qu’on voit sans qu’ils s’en doutent ont l’air de ne pas savoir ce qu’ils font.

Elle ferme sa porte à clef, ce qui la divinise un peu plus. Elle veut être seule. Sans doute, elle est entrée dans cette chambre pour se dévêtir.

Je ne tente pas de m’expliquer les circonstances de sa présence, pas plus que je ne pense à me demander compte du crime que je commets à posséder cette femme des yeux. Je sais que nous sommes réunis, et de tout mon cœur, de toute mon âme, de toute ma vie, je la supplie de se montrer à moi.

Elle semble se recueillir, hésiter. Je me figure,