Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/33

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à je ne sais quelle grâce candide de sa personne entière, qu’elle attend d’être seule depuis plus longtemps pour se dévoiler. Oui, elle se sent encore toute battue par l’air du dehors, toute effleurée par les passants, toute touchée par les faces tendues des hommes ; et réfugiée entre ces murs, elle attend que ce contact soit plus éloigné, pour ôter sa robe.

Je me complais à lire en elle la virginale et charnelle pensée ; j’ai la sensation que, malgré le mur, mon corps se penche vers le sien.

Elle alla vers la fenêtre, leva les bras, et, lumineusement, elle ferma les rideaux. L’obscurité complète tomba entre nous.

Je la perdais !… Ce fut une douleur aiguë dans mon être, comme si la lumière s’était arrachée à moi… Et je restai là, béant, retenant un gémissement, guettant l’ombre qui se confondait avec son souffle…

Elle tâtonna, prit des objets. Je devinai, j’aperçus une allumette qui s’enflammait au bout de ses doigts. Avec lenteur son image éclata. On vit poindre les faibles blancheurs de ses mains, de son front et de son cou, et sa figure fut devant moi comme une fée.

Je ne distinguai pas le dessin des traits dans ce visage de femme pendant les quelques secondes où la lueur mince qu’elle tenait me prêta son apparition. Elle s’agenouilla devant la cheminée, la flamme