Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/47

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Le lendemain, l’après-midi fut encore une fois ensoleillé et brûlant. Je me rappelai des après-midi pareils, il y avait bien des années, et il me sembla vivre à cette époque disparue, — comme si l’éclatante chaleur effaçait le temps, étouffait tout le reste sous sa couvée.

La chambre d’à côté était presque noire… On avait fermé les volets. À travers les doubles rideaux confectionnés d’une étoffe mince, je voyais la fenêtre rayée de barres étincelantes, comme la grille d’un brasier.

Dans le silence torride de la maison, dans le vaste sommeil enfermé, des rires montaient égrenés vainement ; des voix se perdaient, comme hier, comme toujours.

De ce lointain tumulte sortit précieusement un bruit de pas. Ils venaient vers moi, Je me tendis vers ce bruit grandissant… La porte s’ouvrit, éblouissante, poussée, semblait-il, par la lumière elle-même, et deux ombres chétives, rongées par la clarté, apparurent.

Elles semblaient être poursuivies. Elles hésitèrent au seuil, toutes petites, encadrées en même temps, puis entrèrent.

J’entendis refermer la porte ; la chambre était vivante. Je scrutai les arrivants ; je les distinguai doucement à travers les halos rouge et vert sombre dont le coup de lumière de leur entrée avait peuplé