Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/71

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montrer, hors de ma robe, le bout de mon pied : j’avais jusqu’à la pudeur de ma figure, de mes mains, de mon nom…

Alors l’homme reprit l’aveu au point où elle le laissait et parla des premiers temps de leur union. Il voulait la caresser avec des paroles, la prendre peu à peu dans des phrases, l’enlacer à force de souvenirs.

— La première fois que nous avons été seuls…

Elle le regarda.

— C’était dans la rue, un soir, dit-il. Je t’ai pris le bras. Tu t’es appuyée de plus en plus sur moi. J’ai senti peu à peu tout le poids de ton corps, j’ai senti ta chair grandissante. Le monde pullulait, mais notre solitude semblait s’étendre. Tout, autour de nous, se changeait en un désert simple, simple… Il me semblait que tous les deux nous nous étions mis à marcher sur la mer.

— Ah dit-elle. Comme tu étais bon ! Tu n’avais pas, ce premier soir de nous, le même visage que tu as eu après, même dans les meilleurs moments…

— Nous causions de choses et d’autres, et tandis que je te tenais contre moi, toute serrée, comme des fleurs, tu me disais des phrases sur les gens que nous connaissions, tu me parlais du soleil de la journée et de la fraîcheur du soir. Mais, en vérité, tu me disais que tu venais à moi… Les paroles d’aveu, je les sentais à travers tes paroles, et si tu ne me les disais pas, tu me les donnais.