Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/72

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« Ah ! comme les choses du commencement sont grandes ! Il n’y a jamais de petitesses dans les commencements…

« Une fois que nous nous étions retrouvés dans le jardin, et que je te reconduisais à la fin de l’après-midi, par les faubourgs… La route était si tranquille et silencieuse qu’il semblait que nos pas dérangeaient toute la nature. L’immobile tendresse ralentissait notre marche. Je me suis penché et je t’ai embrassée.

— Là, dit-elle.

Elle posa son doigt sur son cou. Ce geste éclaira son cou comme un rayon.

— Peu à peu, le baiser devint plus profond. Il tourna autour de tes lèvres, s’y arrêta ; la première fois en se trompant, la seconde en faisant semblant de se tromper… Je sentis peu à peu sous ma bouche.

Il parla tout bas :

— Ta bouche éclore, et s’épanouir…

Elle baissa la tête, et l’on voyait sa bouche, bouton de rose et de rosée.

— Tout cela, soupira-t-elle, revenant toujours à sa pathétique et douce préoccupation, était si beau, au milieu de la surveillance qui m’emprisonnait !…

Comme elle avait, inconsciemment ou non, besoin de l’excitation du souvenir ! L’évocation des drames et des périls anciens déployait ses gestes, refaisait son amour. C’était pour cela qu’elle s’était toute racontée.

Et lui la poussait vers la tendre folie. L’enthousiasme premier renaissait, et maintenant leurs