Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/94

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Et ces mots furent répétés avec une force contenue, de plus en plus bas, jusqu’au silence.

Puis ils sortirent, tout haut, dans un rire éclatant. Et le bruit d’un baiser s’étendit, couvrit tout. Au sein des ombres accumulées, ce baiser émergea comme une apparition.

Un éclair brilla, transformant pendant une fraction de seconde la chambre en un asile blême ; puis la nuit noire revint.

La lueur électrique avait soulevé mes paupières que je tenais instinctivement mi-closes, puisque mes yeux étaient inutiles. Mes regards avaient envahi la chambre, mais je n’avais rien vu de vivant… Les deux hôtes qu’elle contenait s’étaient-ils donc blottis dans quelque coin, et dissimulés, même au fond des ténèbres ?

Ils semblaient n’avoir pas aperçu le large éclair. Avec une régularité désespérante, les mêmes mots m’assaillaient, mais plus lourds, plus rares, plus perdus :

— Si on savait ! Si on savait !

Et j’écoutais ce cri, penché sur eux avec une attention sacrée, comme sur des mourants.

Pourquoi cette crainte éternelle qui les secouait et qui vibrait dans leurs bouches ? Quel besoin