Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/98

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— Le jour, on se disperse, on se perd. C’est la nuit qu’on s’apporte vraiment.

— Ah ! dit l’autre voix, je voudrais que nous nous aimions le jour.

— Cela sera, peut-être… Plus tard, ah ! plus tard.

Les mots résonnent en un long et lointain écho.

Puis la voix dit :

— Bientôt…

— Mon Dieu ! dit l’autre, avec un frisson d’espoir.

J’ai déjà entendu une plainte identique ; c’est la même, comme s’il y avait peu de sujets de plaintes sur terre : « Moi qui aurais tant voulu une destinée de lumière ! » a gémi la femme adultère.

Puis, en des phrases dont j’entends mal les débuts, et que je ne rejoins pas les unes aux autres, ils parlent de charmilles ensoleillées, de parcs aux pelouses noires, aux grandes allées d’or, et de larges bassins courbes si resplendissants et étincelants à midi qu’on ne peut pas plus les regarder que le soleil.

Noyés dans l’ombre, ombres eux-mêmes, ils font de la lumière ; ils pensent au jour, ils le prennent pour eux, et c’est une sorte de monument d’azur et d’été qui sort d’eux.

Et plus ils parlent de soleil, plus leur voix baisse et s’éteint.

Après un silence plus grave et plus tendre, j’entends :

— Si tu savais comme l’amour t’embellit, comme ton sourire t’éclaire !