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Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/99

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Tout le reste s’efface, l’on ne voit plus que ce sourire.

Puis la mélodie de leur rêve change d’images sans changer de clarté. Ils évoquent des salons, des glaces, et des lampes enguirlandées… Ils évoquent des fêtes nocturnes sur l’eau souple pleine de barques et de ballons de couleur, — rouges, bleus, verts, — comparables aux ombrelles des femmes sous un coup de soleil dans un parc.

De nouveau, un silence, puis l’un d’eux reprend, d’un ton de supplication, montrant l’immense obsession, l’immense besoin de réaliser le rêve, presque jusqu’à la folie :

— J’ai la fièvre. Il me semble que j’ai du soleil sur les mains.

Et l’instant d’après, précipitamment :

— Tu pleures ! Ta joue est mouillée comme ta bouche.

— Nous n’aurons jamais tout cela, gémit un des implorants — nous n’aurons jamais cette lumière que dans les rêves que nous faisons la nuit, quand nous sommes ensemble.

— Nous l’aurons ! cria l’autre. Un jour, tout ce qui est triste finira.

On ajouta magnifiquement :

— Nous l’avons presque. Tu le vois bien !

— Ah ! si on savait ! reprirent-ils avec une sorte de remords qu’on ne sût pas. Tous seraient jaloux de nous ; les amoureux eux-mêmes, et même les heureux !