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Page:Barbusse - Le Feu : journal d’une escouade.djvu/110

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tombereaux. Un fourmillement encercle une colline de bottes de fourrage. Une multitude éparse s’acharne sur d’énormes assises de ballots.

— V’là trois heures qu’on est sur son pivot, soupire Paradis.

— Et ceux-là, qui c’est ?

On voit dans des échappées de lumière une bande de lutins, entourés de vers luisants, poindre et disparaître emportant de bizarres instruments.

— C’est la Section de projecteurs, dit Cocon.

— Te v’là en songement, toi, camarade, qu’est-ce que tu songes ?

— Il y a quatre Divisions, à cette heure, au Corps d’Armée, répond Cocon. Ça change : quelquefois c’est trois, des fois, c’est cinq. Pour le moment, c’est quatre. Et chacune de nos divisions, reprend l’homme-chiffre que notre escouade a la gloire de posséder, renferme trois R.I. – régiments d’infanterie ; deux B.C.P. – bataillons de chasseurs à pied ; – un R.I.T. – régiment d’infanterie territoriale – sans compter les régiments spéciaux, Artillerie, Génie, Train, etc., sans non plus compter l’ État-Major de la D.I. et les services non embrigadés, rattachés directement à la D.I. Un régiment de ligne à trois bataillons occupe quatre trains : un pour l’E.M., la Compagnie de mitrailleuses et la C.H.R. (compagnie hors rang), et un par bataillon. Toutes les troupes n’embarqueront pas ici : les embarquements s’échelonneront sur la ligne selon le lieu des cantonnements et la date des relèves.

— J’suis fatigué, dit Tulacque. On mange pas assez du consistant, vois-tu. On s’tient debout parce que c’est la mode, mais on n’a plus d’force ni d’verdure.

— Je m’suis renseigné, reprend Cocon. Les troupes, les vraies troupes, ne s’embarqueront qu’à partir du milieu de la nuit. Elles sont encore rassemblées çà et là dans les villages à dix kilomètres à la ronde. C’est d’abord tous les services du Corps d’Armée qui partiront