Page:Barbusse - Le Feu : journal d’une escouade.djvu/243

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— Tout d’même, braille Volpatte. On a parlé d’attaque ces jours-ci. J’te dis, moi, qu’c’est l’commencement de quelque chose.

— Ah ! font simplement les autres.

Volpatte manifeste l’intention de « piquer un roupillon » et il s’installe par terre, adossé à une paroi, les semelles butées contre l’autre paroi.

On s’entretient de choses diverses. Biquet raconte l’histoire d’un rat qu’il a vu.

— Il était pépère et comaco, tu sais… J’avais ôté mes croquenots, et c’rat, i’ parlait-i’ pas de mettre tout l’bord de la tige en dentelles ! Faut dire que j’les avais graissés.

Volpatte, qui s’immobilisait, se remue et dit :

— Vous m’empêchez de dormir, les jaspineurs !

— Tu vas pas m’faire croire, vieille doublure, qu’tu s’rais fichu d’dormir et d’faire schloff avec un bruit et un papafard pareils comme celui qu’y a tout partout là ici, dit Marthereau.

— Crôô, répondit Volpatte, qui ronflait.

— Rassemblement. Marche !

On change de place. Où nous mène-t-on ? On n’en sait rien. Tout au plus sait-on qu’on est en réserve et qu’on nous fait circuler pour consolider successivement certains points ou pour dégager les boyaux – où le règlement des passages de troupes est aussi complexe, si l’on veut éviter les embouteillages et les collisions, que l’organisation du passage des trains dans les gares actives. Il est impossible de démêler le sens de l’immense manœuvre où notre régiment roule comme un petit rouage, ni ce qui se dessine dans l’énorme ensemble du secteur. Mais, perdus dans le lacis de bas-fonds où l’on va et vient interminablement, fourbus, brisés et démembrés par des stationnements prolongés, abrutis par l’attente et le bruit, empoisonnés par la fumée – on comprend que