Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/119

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tems, qui, par sa nature, ne peut point produire d’usure ; mais de l’espérance du prêteur, laquelle en peut produire. » Nous disons aujourd’hui qu’un tel contrat est très usuraire, et la raison en est bien naturelle : celui qui vend son blé plus cher qu’il ne vaut (et c’est ordinairement à des misérables qu’on le vend) est bien sûr, par l’hypothèse, que son blé ne vaut pas ce qu’il le vend ; mais il n’est pas sûr qu’il vaudra, lors du payement, ce qu’il le vend. Et pourquoi nos loix déclarent-elles ce contrat usuraire ? C’est parce qu’il est contraire à la charité chrétienne.

On voit encore, dans saint Thomas, dans le chapitre x de l’opuscule dont j’ai parlé, que (par les principes philosophiques) c’est une usure à un marchand de vendre sa marchandise plus cher qu’elle ne vaut, parce qu’il la vend à crédit : par la raison que l’usure est fondée sur le tems, et il cite le Droit canon Extra eodem ; mais, dit-il, « est contra hoc consuctudo generalis, quæ videtur et toleratur ab Ecclesia ». Je n’ai rien avancé de plus fort. que cela lorsque j’ai dit que les Scolastiques furent obligés de modérer leurs principes (philosophiques) à cause des conséquences qu’ils auroient eues dans l’ordre politique et civil.

Voici bien des explications. Elles vont devenir inutiles, parce que, pour ôter toute ombre de difficulté, j’ai changé ainsi le texte : « Les Scolastiques s’en infatuèrent et prirent de ce philosophe bien des explications sur le prêt à intérêt, au lieu que la source en est si naturelle dans l’Evangile. Ils le condamnèrent indistinctement dans tous les cas. »

Seconde Partie de la Proposition condamnée. — « Nous devons aux spéculations des Scolastiques tous les malheurs qui ont accompagné la destruction du commerce. »

Réponse. — La Faculté de Théologie condamne encore un fait. Ce fait est vrai ; il faut le prouver. L’empereur Basile avoit fait une loi qui défendoit de prendre d’intérêts dans quelque cas que ce fut : nequaquam omnino in ullo negotio liceat usuras accipere. Cette loi est dans Herménopule, liv. III, tit. vii, § 27, Cette loi, mise dans Herménopule sous le nom de Léon, qui régna avec Basile, son père, n’est pas de Léon, mais de Basile, comme tout le monde sait, et comme on le va voir.

La loi de Basile défendoit donc de recevoir d’intérêts indéfi-