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Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/120

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niment et dans quelque cas que ce fût. L’empereur Léon fit une autre loi[1], dans laquelle il exalte la beauté et la sublimité de celle de son père ; mais il dit qu’elle a causé les plus grands maux ; que les prêts ont cessé partout, et que l’Empire en a tellement souffert qu’il est obligé de révoquer cette loi sublime, et de se contenter de réduire l’usure de 12 à 4 p. 0/0 par an. Il ajoute qu’il seroit bien à souhaiter que les choses humaines se gouvernassent par l’Esprit ; mais que, vu la perversité des hommes, cela est impossible, etc. C’est un législateur qui a pesé et examiné les choses, qui voudroit suivre et maintenir la loi de Basile, son père, et qui ne le peut pas à cause des maux qu’elle a faits, et qui la révoque à cause de ces maux. Cette loi est la LXXXIIIe Novelle de Léon, que l’on trouve dans le Cours du Droit romain, et qu’on a joint ici. Il n’est point question de savoir si Léon fit bien de permettre l’intérêt à 4 p. 0/0 par an, dans tous les cas, et s’il n’eût pas mieux fait de distinguer ceux où l’on pouvoit en recevoir, et ceux où l’on n’en pouvoit pas recevoir selon la loi de l’Évangile. Mais il est certain qu’il révoqua la loi de son père, à cause des maux qu’elle avoit faits. Ce que Léon dit ici, je n’en ai pas dit davantage. Il rapporte un fait historique, tout comme moi ; fait historique si constant qu’il en résulta un règlement général pour tout l’Empire d’Orient.

L’empereur Léon régnoit vers le tems de Louis-le-Débonnaire, et il ne paroit pas que la loi de Léon eût passé les bornes de l’Empire d’Orient. Mais il est certain que la rigidité des Scolastiques fut très grande ; il est certain que le commerce fut perdu presque partout ; que les peuples furent désolés par des usures affreuses, par les raisons que j’ai dites au livre XXI, chapitre xvi, et au livre XXII, chapitre xix : car, n’y ayant pour les Chrétiens aucun moyen ouvert pour prêter de l’argent, et les cas où l’intérêt est permis aujourd’hui (comme les rentes constituées, ceux du lucrum cessans et damnum emergens) n’étant pas fixés pour lors, la décrétale Naviganti et autres dispositions étant pour lors en usage, tout tomba entre les mains des Juifs, qui firent les maux que tout le monde sait.

  1. La voici tout au long. [Suit le texte.]