Aller au contenu

Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ce n’est point en érudit que Montesquieu se livrait à des recherches immenses. Coutumes et lois ne l’intéressaient que par leurs rapports avec la conservation des sociétés civiles. Mais ces rapports étaient fréquemment indirects et parfois imaginaires. Telle institution ne s’explique que par les croyances, peut-être erronées, des peuples qui l’adoptent. Avant de la comprendre, il faut pénétrer les âmes, en surprendre les ressorts secrets, et même en suivre la logique spéciale. Ce n’est point au moyen de déductions simples et faciles qu’on y arrive. Pour deviner la série des énigmes que l’histoire du Droit public et privé pose au philosophe politique, il ne faut pas moins que les intuitions du génie, fécondées par de longues et profondes méditations.

Les papiers de La Brède nous permettent de surprendre et de suivre le travail auquel s’est livré l’auteur de l’Esprit des Lois. Des notes écrites en marge, au haut et au bas des pages, d’autres fois sur des bulletins détachés, révèlent tous les scrupules du savant et du penseur. Quoique philosophe, il ne dédaignait pas l’exactitude. Tantôt c’est une citation à vérifier, et tantôt c’est un fait historique. Ailleurs, la justesse d’une réflexion parait contestable. Ici, un problème important s’impose tout à coup aux méditations de l’écrivain. On lit, par exemple, sur une bandelette de papier, cette ligne autographe et révélatrice : « S’il est avantageux d’avoir en France des colonies ? » Le publiciste du xviiie siècle discutait ainsi avec lui-même des questions qui sont encore à l’ordre du jour.

L’enquête presque interminable que Montesquieu s’imposa était d’autant plus méritoire qu’il était au nombre des intelligences desservies par leurs organes. Il ne se ressentit pas seulement, vers le milieu de son travail, des approches de la vieillesse. Pendant la seconde moitié de