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Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/35

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dans la réfutation des idées de Hobbes sur l’état de guerre naturel aux hommes primitifs.

Un procédé dont Montesquieu s’est servi plusieurs fois, afin d’atténuer l’amertume de ses critiques, est celui de supprimer les noms propres. Il avait rappelé quelque part un mot, des plus naïfs, du pape « Clément X (Altieri) »[1], et flétri ailleurs la conduite des « Génois » envers les « Corses » [2]. Prudemment, il substitua à un texte trop précis des phrases plus vagues, où il ne mentionna plus qu’ « un pape » quelconque, ou « une république d’Italie » tenant des insulaires sous sa domination.

Serait-ce par prudence aussi qu’ont été biffés dans le livre XIX, aux chapitres vi, viii et x, les mots qui indiquaient expressément qu’il s’y agissait de la nation française ? On ne s’en doute pas moins.

Nous reconnaissons, au contraire, qu’il était indispensable d’adoucir, au XIIe livre, le début primitif et brutal du chapitre xxiii : « Chercher à connaître les secrets des familles, et avoir des espions pour cela, est une chose que les bons princes n’ont jamais faite. » Dans quelle catégorie de souverains la maxime reléguait-elle Louis XV ?

Mais il est inutile d’insister sur les corrections de cet ordre, et nous avons hâte d’arriver aux translations, dont plusieurs sont vraiment originales.

Montesquieu était porté à terminer ses chapitres par une métaphore ou par une comparaison de nature à frapper l’esprit des lecteurs. C’est ainsi que, dans le manuscrit de La Brède, le chapitre sur le Droit de Conquête finissait par un souvenir de l’Odyssée[3] : « La Fable nous dit que Circé, après avoir fait des hommes des bêtes, faisait encore des bêtes des hommes. » Dans l’édition

  1. Livre II, chap. v.
  2. Livre X, chap. viii.
  3. Livre X, chap. iii.