Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/99

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sont ceux qui ont le rapport le plus sensible à la chose représentée, ceux qui frappent le plus les sens, qui ramènent le plus à la connoissance des choses passées. Ainsi la Loi des Ripuaires vouloit que, quand il s’agissoit de tradition de fonds[1], celui qui le recevoit se transportât sur les lieux avec des témoins et plusieurs enfans, à qui on donnoit des soufflets ou on tiroit les oreilles, pour que, dans la suite, ils se souvinssent de ce qui s’étoit passé. On peut voir dans la Loi salique[2] les formalités des cessions de biens[3] et de la renonciation à la parenté ; on y verra avec plaisir l’aimable simplicité de nos pères. Ce fut le même esprit qui introduisit les cérémonies des hommages.

Les loix de la plupart des peuples regardent l’aveu de l’accusé comme une dette envers la Société, et n’accordent rien à la confession, ni au repentir. Mais souvent les loix saliques infligèrent une moindre peine à l’accusé qui confessoit[4], qu’à celui qui nioit. Ces loix considérèrent que, chez un peuple qui n’habitoit point les villes, et qui, ayant des maisons toutes séparées, formoient à peine des villages, la preuve par témoins étoit souvent difficile ; et c’est de là que tirent leur source bien des loix des peuples germains.

Les loix des peuples barbares obligent à une composition beaucoup plus forte celui qui, après avoir tué un homme, aura jeté le cadavre dans un puits ou dans une rivière, ou couvert de branches, ou caché d’une autre manière[5]. La Loi des Bavarois donne la raison de ceci. « C’est, dit-elle, parce qu’on prive un mort des cérémonies de la sépulture[6]. » C’est sur cette idée que Tacite dit que les Germains noyoient les poltrons : ils infli-

  1. En marge : « Tit. 60. »
  2. En marge : « Tit. 61. »
  3. En marge : « Il donnoit des personnes qui juroient que sous le ciel, dessous la terre, il n’avoit autre chose que ce qu’il avoit cédé. Ensuite, il entroit dans sa maison, et il alloit dans les quatre angles ramasser la poussière avec sa main. Ensuite, se tenoit sur le seuil, et il regardoit dans la maison et jetoit avec la main gauche derrière son épaule la poussière sur son plus proche parent. Ensuite, il sautoit avec un pieu par-dessus la haie. »
  4. En marge : « Tit. 10, §§ 1-4 ; tit. 43, § 1 ; tit. 68 ; et Loi des Ripuaires, tit. 51, § 1. »
  5. En marge : « Loi salique, tit. 44, §§ 2 et 5, et Loi des Ripuaires, tit. 15. — La Loi des Bavarois, tit. 18, chap. 2, § 1. »
  6. En marge : « Tit. 18, chap. 2, § 1er. »