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Page:Barillon-Bauché - Augusta Holmès et la femme compositeur, 1912.pdf/111

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AUGUSTA HOLMÈS ET LA FEMME COMPOSITEUR

Tout cela nous émeut parce que nous sentons la souffrance du malheureux envoûté, parce que le drame final est la conséquence fatale des natures et des situations. Nous l’avions pressenti dans la scène des cartes, nous l’avions vu s’approcher à la crise de violence de don José, quand, brutalisant Carmen, il lui dit — et avec quel accent musical ! — : « La chaîne qui nous lie nous liera jusqu’à la mort ! » Et lorsque, après Carmen énamourée au bras d’Escamillo, arrive don José, malgré ses pitoyables supplications, nous savons qu’il est à bout, et, connaissant l’inflexible caractère de la Zingara, nous éprouvons le frisson d’angoisse devant le drame que plus rien ne peut éviter ou repousser.

C’est donc la prévision d’une conclusion tragique qui augmente l’intérêt de Carmen, en la rendant si dramatique ; une conviction analogue enlève au contraire l’intérêt à l’intrigue de la Montagne noire. Cela semble singulier, mais s’explique à la réflexion. Premièrement Holmès, en grandissant et grossissant ses héros, les a déformés ; ensuite ce qui était naturel, pathétique entre des êtres en chair et en os, vibrant aux heurts de la vie, devient invraisemblable et surtout ne nous touche plus de la part d’espèces de fantoches dont nous voyons tirer les ficelles. La menace, dans Carmen, est graduée ; les scènes où l’on sent l’orage s’amonceler, préparant le terrible coup final, sont variées, animées ; celles de la Montagne noire semblent figées : de la première à la dernière, c’est, avec une voix caverneuse : « Le renoncement ou la honte ! le devoir ou la mort !! »