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Page:Barillon-Bauché - Augusta Holmès et la femme compositeur, 1912.pdf/72

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LA MUSIQUE. — SON INFLUENCE SUR LES AUDITEURS

de « coûteux » ; il pouvait employer le mot à condition de lui attribuer son véritable sens qui est « précieux » et « aimé ».

Aux grands concerts symphoniques, aux théâtres lyriques, ce sont les habitués de petites places qui témoignent le plus d’enthousiasme et parfois de jugement. Ce public-là, en payant cinquante centimes ou un franc d’entrée, en s’assujétissant à d’interminables stationnements pour obtenir une place compatible avec ses ressources, s’impose d’autres sacrifices et affirme un goût autrement sincère que l’auditeur « chic » payant dix ou quinze francs l’occasion de se montrer et qui, muni de son coupon, juge du meilleur ton d’arriver bien après le lever du rideau ou au milieu du concert, puis, ayant consciencieusement lorgné de toutes parts, formule, du bout des lèvres, une opinion relative au spectacle, comme il applaudit du bout des doigts après avoir écouté… du bout de l’oreille.

En revanche, examinez l’ouvrier casé au dernier recoin du Paradis. Il est tout yeux, tout oreilles, écoute religieusement, s’efforce de comprendre pleinement ce dont il subit l’irrésistible attrait. En lui, quelque chose de beau s’infiltre ; ce n’est pas l’« empoignement » causé par le jeu émouvant d’un comédien ou par une situation tragique, c’est une chose indéfinie, une lueur pénétrant dans son âme obscure, une chaleur se répandant en ses veines comme un sang purifié, un parfum qui l’imprègne intérieurement et qui persistera bien au delà de l’instant où le charme s’est produit.

Évidemment, il existe des réfractaires à la musique,