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Un vieux tableau, une tragédie que je savais par cœur, une romance cent fois rebattue, un entretien avec un ami me surprenaient ; je n’y retrouvais plus le sens accoutumé. »

Les objets familiers qui l’entouraient le choquaient. Sa bibliothèque de jeune homme l’importunait. « Je commençai, comme le curé de Cervantes, par purger ma bibliothèque et mettre mes idoles au grenier. J’avais dans ma chambre quantité de lithographies dont la meilleure me sembla hideuse. Je ne montai pas si haut pour m’en délivrer, et je me contentai de les jeter au feu. Quand mes sacrifices furent faits, je comptai ce qui me restait. Ce ne fut pas long ; mais le peu que j’avais conservé m’inspira un certain respect. Ma bibliothèque vide me faisait peine ; j’en achetai une autre, large à peu près de trois pieds et qui n’avait que trois rayons. J’y rangeai lentement et avec réflexion un petit nombre de volumes ; quant à mes cadres, ils demeurèrent vides longtemps ; ce ne fut qu’au bout de six mois que je parvins à les remplir à mon goût ; j’y plaçai de vieilles gravures d’après Raphaël et Michel-Ange. »

Les gravures représentaient des Madones, des sujets de sainteté, une scène de guerre. La liste des livres qu’il avait admis dans sa bibliothèque neuve est intéressante. C’était Sophocle, le Plutarque d’Amyot, Aristophane et Horace ; Rabelais, Montaigne, Régnier, les classiques du XVIIe siècle et André Chénier ; Shakespeare, Goethe, Byron, Boccace et les quatre grands poètes italiens. Sauf Chénier,