CHAPITRE V
« LES NUITS »
La vie reprit son cours. « Je crus d’abord, dit Musset dans le Poète
déchu[1], n’éprouver ni regret ni douleur de mon abandon. Je
m’éloignai fièrement ; mais à peine eus-je regardé autour de moi que je
vis un désert. Je fus saisi d’une souffrance inattendue. Il me
semblait que toutes mes pensées tombaient comme des feuilles sèches,
tandis que je ne sais quel sentiment inconnu horriblement triste et
tendre s’élevait dans mon âme. Dès que je vis que je ne pouvais
lutter, je m’abandonnai à la douleur en désespéré. » Peu à peu, les
larmes tarirent. « Devenu plus tranquille, je jetai les yeux sur tout
ce que j’avais quitté. Au premier livre qui me tomba sous la main, je
m’aperçus que tout avait changé. Rien du passé n’existait plus, ou, du
moins, rien ne se ressemblait.
- ↑ Écrit en 1839. Quelques fragments en ont été cités par Paul de Musset dans sa Biographie.