Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/117

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affranchi, devenu tout à fait lui-même, a été unique dans notre poésie lyrique.

Des petits poèmes qui remplissent les deux autres tiers des Poésies nouvelles, aucun, tant s’en faut, ne s’élève aux mêmes hauteurs. Quelques-uns (Sur une morte, Tristesse) ont de l’émotion. D’autres (Chanson de Fortunio, A Ninon) sont de minuscules chefs-d’œuvre de grâce et de sentiment. D’autres, plus petits encore et point chefs-d’œuvre, ont pourtant un certain tour, à la façon du XVIIIe siècle. Il y a enfin les babioles, les marivaudages, les riens insignifiants, et il y a Dupont et Durand (15 juillet 1838), si remarquable par la frappe du vers, et qu’il faut comparer aux Plaideurs et aux vers réalistes de Boileau pour bien comprendre dans quel sens et quelle mesure Musset avait les instincts classiques. Dans ce pêle-mêle, très peu de pièces nous apportent du neuf ou de l’essentiel ; on pourrait négliger presque tout sans commettre une trahison envers l’auteur.

Si maintenant nous revenons en arrière et que nous nous demandions quel rang occupent dans l’ensemble de son œuvre les Contes d’Espagne et d’Italie et le Spectacle dans un fauteuil, nous ne devons pas hésiter à reconnaître que ce rang est inférieur à celui des Poésies nouvelles. Musset n’avait pas encore pris conscience de lui-même et de son génie propre. Il subissait l’influence des romantiques, et il était au fond le moins romantique des hommes. Il avait beau les dépasser tous en