Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/118

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audace, on sent dans ses hardiesses quelque chose d’artificiel. Un historien attentif de la versification française, M. de Souza, parlant de la renaissance du vers lyrique dans notre siècle, ne tient aucun compte des premières œuvres de Musset. Elles n’ont pas plus d’importance à ses yeux que l'Albertus de Théophile Gautier : « C’étaient, dit-il, des poésies de jeunesse et de bravade pour ainsi dire où s’affirmaient toutes les outrances du premier feu et que les poètes eux-mêmes, par des œuvres ultérieures, ont remis au dernier plan[1]. » Ce jugement est bien sévère et bien absolu. M. de Souza ne s’occupe que de la technique du vers, et les Premières Poésies valent encore par ailleurs. La fraîcheur du génie est chose sans prix, que rien ne remplace, et elle rayonne ici splendidement. C’est une fête pour l’esprit de voir cette heureuse jeunesse, aux mains pleines et prodigues, lancer à la volée les images heureuses, les trouvailles d’une imagination neuve, les idées folles et charmantes ou les sensations enflammées de la vingtième année. Gardons-nous de faire fi de ce régal, tout en reconnaissant qu’il faut chercher dans le volume suivant les vrais procédés techniques de Musset, qui lui attirent aujourd’hui de si dures critiques, et le font traiter de mauvais ouvrier.

Il est un point sur lequel il a voulu et provoqué les attaques. On offenserait son ombre en essayant de nier que ses rimes sont faibles et quelquefoi

  1. Le Rythme poétique.