Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/120

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Il est incontestable qu’après les Contes d’Espagne et d’Italie, il n’a guère profité des nouvelles formules romantiques pour varier ses alexandrins. Le Musset seconde manière, celui qui se disait réformé, et que Sainte-Beuve appelait un relâché, admet encore de loin en loin la coupe ternaire, qui substitue deux césures mobiles au grand repos de l’hémistiche, et dont il existait quelques exemples chez nos anciens poètes. Il écrit dans Suzon :

        L’autre, tout au contraire,
   . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
    Toujours rose, toujours charmant, continua
    D’épanouir à l’air sa desinvoltura.

Dans l’épître Sur la Paresse, en s’adressant à Régnier :

    Et quel plaisir de voir, sans masque ni lisières,
    A travers le chaos de nos folles misères,
    Courir en souriant tes beaux vers ingénus,
    Tantôt légers, tantôt boiteux, toujours pieds nus !

Le dernier vers est délicieux de légèreté et de vivacité, mais la coupe ternaire a peu d’importance chez Musset, à cause de sa rareté. C’est à des éléments rythmiques plus délicats, moins facilement saisissables, qu’il a recours pour nuancer et varier la phrase musicale de son vers. Il est un maître pour la distribution, à l’intérieur des hémistiches, des syllabes accentuées des mots, et des mots qui portent l’accent oratoire. A quel point l’accent oratoire bien placé peut allonger un vers, en voici un exemple :

   Est-ce bien toi, grande âme immortellement triste ?