Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/121

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Il n’a ignoré aucun des effets infiniment divers produits par l’entrelacement des syllabes sourdes et des syllabes éclatantes, des syllabes pleines et des syllabes muettes. Il avait, en particulier, très bien observé de quel prix sont ces dernières, l’un des trésors de notre langue poétique, pour ralentir la marche du vers en prolongeant la syllabe qui les précède, comme dans les deux vers souvent cités de Phèdre :

    Ariane, ma sœur, de quel amour blessée
    Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée.

De Musset :

    Si ce n’est pas ta mère, ô pâle jeune fille !
   . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
    Quels mystères profonds dans l'humaine misère !
   . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
    Lentement, doucement, à côté de Marie.

L’instinct lui révélait les relations mystérieuses qui existent entre la sonorité des mots employés et l’image qu’on veut évoquer, puissance indépendante de la valeur de l’idée exprimée et à laquelle le large mouvement de l’alexandrin est au plus haut degré favorable. Bien habile qui pourrait expliquer pourquoi les vers suivants sont agiles et dansants :

    Cependant du plaisir la frileuse saison
    Sous ses grelots légers rit et voltige encore.
   . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
    Et, ratissant gaiement l’or qui scintille aux yeux,
    Ils jardinent ainsi sur un rhythme joyeux.

Enfin, les scrupules, justes ou faux, qui empêchaient Musset de disloquer ses alexandrins, ne s’opposaient