Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/123

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les splendeurs des nuits d’été et les émotions qu’elles éveillent au plus profond des âmes :

    Les tièdes voluptés des nuits mélancoliques
    Sortaient autour de nous du calice des fleurs.

Dans la strophe qu’on va lire, les deux épithètes des deux derniers vers ne nous aident pas seulement à voir la petite vierge adorable ; elles nous ouvrent son âme innocente :

    S’il venait à passer, sous ces grands marronniers,
    Quelque alerte beauté de l’école flamande,
    Une ronde fillette échappée à Téniers,
    Ou quelque ange pensif de candeur allemande :
    Une vierge en or fin d’un livre de légende,
    Dans un flot de velours traînant ses petits pieds.

Les curieux de sensations rares apprendront peut-être avec intérêt que Musset possédait l’audition colorée, dont personne ne parlait alors et dont la psychologie contemporaine s’occupe tant. Il raconte à Mme Jaubert dans une de ses lettres (inédite) qu’il a été très fâché, dînant avec sa famille, d’être obligé de soutenir une discussion pour prouver que le fa était jaune, le sol rouge, une voix de soprano blonde, une voix de contralto brune. Il croyait que ces choses-là allaient sans dire.

Continuons à remonter vers la source même de l’inspiration chez Musset. Elle n’est pas cachée, et nous n’avions pas besoin, pour la découvrir, qu’il fît dire à sa Muse :

    De ton cœur ou de toi lequel est le poète ?
    C’est ton cœur. . . . . . . . . . . . . .