Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/134

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et il va s’offrir aux coups des assassins à gages qui le cherchent.

Nous avions déjà vu l’ébauche de ce personnage si dramatique dans la Coupe et les Lèvres ; mais les causes de la misère de Frank étaient restées à demi voilées, tandis que cette fois, l’avertissement est aussi clair qu’il est grave et douloureux. Musset avait descendu de quelques pas, dans sa jeunesse imprudente et libertine, les bords de l’abîme où a roulé Lorenzaccio, et il tenait à dire à ses contemporains qu’on ne peut plus remonter cette pente-là.

Il y a dans son drame deux autres personnages pour lesquels il n’a eu aussi qu’à faire appel à des souvenirs, moins intimes toutefois. Son orfèvre et son marchand de soieries sont des boutiquiers parisiens du temps de Louis-Philippe. L’orfèvre devait être abonné au National et avoir le portrait d’Armand Carrel dans son arrière-boutique. Le marchand de soieries est monarchiste par raison d’inventaire, parce que les cours font marcher les commerces de luxe. L’un critique tout ce que fait le gouvernement et le rend responsable des clients qui ne paient pas ; l’autre se frotte les mains quand il y a bal aux Tuileries.

LE MARCHAND, en ouvrant sa boutique.

« J’avoue que ces fêtes-là me font plaisir, à moi. On est dans son lit bien tranquille, avec un coin de ses rideaux retroussé ; on regarde de temps en temps les lumières qui vont et viennent dans le