Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/165

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Il inventait peu. Il travaillait sur « documents humains » et racontait des « choses vécues », à la façon de nos romanciers naturalistes ; seulement, il ne regardait pas avec les mêmes yeux.

Musset a employé dans son théâtre une prose poétique qui a peu de rivales dans notre langue. Elle est éminemment musicale. L’harmonie en est caressante, le rythme doux et ferme. Le mouvement suit avec souplesse l’allure de l’idée, tantôt paisible, tantôt pressé et passionné. Les épithètes sont mieux que sonores ou rares : elles sont évocatrices. L’ensemble est pittoresque et éloquent, sans cesser jamais d’être limpide. C’est d’un art très simple et très raffiné.

Sa prose courante est parfaite. C’est une langue franche et transparente, où l’expression est juste, le tour de phrase net et naturel. Ses lettres familières sont vives et aisées. Son frère en a publié quelques-unes dans les Œuvres posthumes, mais celles que j’ai pu comparer aux originaux ont été altérées. En ce temps-là, on comprenait autrement que de nos jours les devoirs d’éditeur. Paul de Musset ne s’est pas borné aux coupures. Il s’est attaché à ennoblir le style, qu’il jugeait trop négligé. Au besoin, il arrangeait aussi un peu le sens. Musset avait écrit à la marraine, à propos d’amour : « Je me suis passablement brûlé les ailes en temps et lieu ». Paul imprime : « L’on m’a passablement brûlé les ailes… » (17 déc 1838). Musset disait ailleurs, à propos d’un article pour lequel il demandait certains renseignements : «