Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/182

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que vous donner un verre de tisane ! Combien il y en a peu qui sachent en même temps guérir et consoler ! Quand ma sœur Marceline venait à mon lit, sa petite tasse à la main, et qu’elle disait de sa petite voix d’enfant de chœur : « Quel noeud terrible vous vous faites là ! » (elle voulait dire que je fronçais le sourcil), pauvre chère âme ! elle aurait déridé Leopardi lui-même !… »

Soeur Marceline venait de loin en loin prendre de ses nouvelles, causait quelques instants et disparaissait. Musset, rapporte son frère, considérait ces visites « comme les faveurs d’une puissance mystérieuse et consolatrice ». Une seule fois, il l’eut encore pour garde-malade. A Alfred Tattet : « Le samedi 14 mai 1844.—Je viens d’avoir une fluxion de poitrine…. Quand je dis fluxion de poitrine, c’est pleurésie que je devrais dire, mais le nom ne fait rien à la chose…. Vous comprenez que j’ai eu mes religieuses. Ma bonne soeur Marceline est revenue, plus une seconde avec elle, bonne, douce, charmante comme elles le sont toutes, et de plus femme d’esprit…. »

Soeur Marceline avait soigné l’âme en même temps que le corps et pansé d’une main pieuse, avec la hardiesse des cœurs purs, les plaies morales béantes sous ses yeux. Le langage qu’elle tenait à Musset était nouveau pour lui. Il était austère et consolant. Ce qu’elle gagna à Dieu, personne ne l’a jamais su, mais il est certain que la paix entrait dans la chambre avec sœur Marceline pour en repartir, hélas ! avec elle. Les dernières années de Musset ont été pénibles malgré les joies, vivement goûtées, du