Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/183

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succès grandissant. Sa maladie de cœur lui avait donné une agitation fatigante. Il était toujours inquiet et tourmenté, ne dormait plus. Voici les derniers vers qu’il ait écrits. Ils peignent cet état angoissant, sans repos ni soulagement :

    L’heure de ma mort, depuis dix-huit mois,
    De tous les côtés sonne à mes oreilles.
    Depuis dix-huit mois d’ennuis et de veilles,
    Partout je la sens, partout je la vois.
    Plus je me débats contre ma misère,
    Plus s’éveille en moi l’instinct du malheur ;
    Et, dès que je veux faire un pas sur terre,
    Je sens tout à coup s’arrêter mon cœur.
    Ma force à lutter s’use et se prodigue.
    Jusqu’à mon repos, tout est un combat ;
    Et, comme un coursier brisé de fatigue,
    Mon courage éteint chancelle et s’abat. (1857)

La mort lui fut vraiment une délivrance. Le soir du 1er mai 1857, il était plus mal et alité. Soeur Marceline n’était pas là, mais son visage patient passa devant les yeux du mourant, lui apportant une dernière fois l’apaisement. Vers une heure du matin, Musset dit : « Dormir !… enfin je vais dormir ! » et il ferma les yeux pour ne plus les rouvrir. La mort l’avait pris doucement dans son sommeil.

On ensevelit avec lui, comme il l’avait ordonné, un laid petit tricot et une plume brodée de soie que sœur Marceline lui avait faits dix-sept ans auparavant. On lisait sur la plume : « Pensez à vos promesses ».

L’enterrement eut lieu par un temps triste et humide. « Nous étions vingt-sept en tout », dit Arsène Houssaye. Où donc étaient les