Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/184

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étudiants, et comment laissèrent-ils le corbillard qui portait leur cher poète s’acheminer presque seul au cimetière ?

Sa renommée atteignit son zénith sous le second empire. Elle fut alors éblouissante. Il n’était plus question d’hésiter à le mettre à côté de Lamartine et de Victor Hugo ; ses fidèles le plaçaient même un peu en avant, en tête des trois. Tandis que le courant réaliste emportait une partie des esprits vers Balzac, dont le grand succès date de la même époque, les autres, les rêveurs et les délicats, s’arrêtaient à l’entrée de la route, auprès du poète qui « n’avait jamais menti », s’il se gardait de tout dire. Baudelaire leur faisait honte de s’attarder à de la poésie d’« échelles de soie », mais il perdait sa peine. Il écrivait à Armand Fraisse, dans une lettre dont les termes sont trop crus pour la pouvoir donner en entier : « Vous sentez la poésie en véritable dilettantiste. C’est comme cela qu’il faut la sentir.

« Par le mot que je souligne, vous pouvez deviner que j’ai éprouvé quelque surprise à voir votre admiration pour Musset.

« Excepté à l’âge de la première communion,… je n’ai jamais pu souffrir ce maître des gandins, son impudence d’enfant gâté qui invoque le ciel et l’enfer pour des aventures de table d’hôte, son torrent bourbeux de fautes de grammaire et de prosodie…. » Baudelaire prêchait dans le désert, comme le prouve une note mise par Sainte-Beuve au bas de sa lettre : « Rien ne juge mieux les générations littéraires