Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/190

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la veille choquent toujours, parce qu’elles sont une gêne, et qu’on a hâte de s’en délivrer. Ce n’est que lorsqu’elles ont définitivement cédé la place et qu’elles ne font plus obstacle à personne, qu’on les juge impartialement. Ainsi Lamartine, après une éclipse presque totale, émerge en ce moment même des nuées qui l’avaient enveloppé. Ainsi Vigny a une seconde aurore, plus brillante que la première. Il est trop tôt pour Musset. Avant d’y revenir, il faut achever de le quitter, et Musset règne toujours sans partage, tyranniquement, sur bien des têtes grisonnantes qui « ne peuvent pas en écouter un autre ». Encore quelques années, et les générations qui lui ont été asservies auront achevé de disparaître. Alors ; pour lui, ce ne sera pas l’heure de l’oubli ; ce sera l’heure de la justice sereine. La postérité fera le tri de son œuvre, et lorsqu’elle tiendra dans le creux de sa main la poignée de feuillets où l’âme de toute une époque frémit et pleure avec Musset, elle dira, comprenant son empire et reprenant le mot de Taine : « C’était plus qu’un poète, c’était un homme ».


FIN