Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/27

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des prix, sa mère décrivit la cérémonie à un ami. Il y avait des fanfares, des princes, les quatre facultés en grand costume, et son fils était si joli ! Elle a bien pleuré, et c’était bien délicieux. « Pendant trois jours, continue-t-elle, nous n’avons vu que couronnes, que livres dorés sur tranche ; il fallait des voitures pour les emporter. » Alfred de Musset quitta les bancs sur cette apothéose. Il était bachelier et il refusait énergiquement de se préparer à l’École polytechnique. Une longue lettre à son ami Paul Foucher, écrite le 23 septembre suivant du château de son oncle le marquis, nous ouvre pour la première fois une échappée sur le travail intérieur qui s’accomplissait au dedans de lui. On voudra bien se souvenir, en lisant les fragments qui vont suivre, que Musset était alors à l’âge ingrat où les idées sont aussi dégingandées que le corps. Il était le premier à dire, plus tard, qu’il avait été « aussi bête qu’un autre ».

Il vient d’apprendre la mort rapide de sa grand’mère, Mme Guyot-Desherbiers. Ses vacances sont assombries et désorganisées. « Mon frère, dit-il, est reparti pour Paris. Je suis resté seul dans ce château, où je ne puis parler à personne qu’à mon oncle, qui, il est vrai, a mille bontés pour moi ; mais les idées d’une tête à cheveux blancs ne sont pas celles d’une tête blonde. C’est un homme excessivement instruit ; quand je lui parle des drames qui me plaisent ou des vers qui m’ont frappé, il me répond : « Est-ce que tu n’aimes pas mieux lire