Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/39

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Deschamps donna une soirée pour faire entendre Don Paez, et il y eut des cris d’enthousiasme au vers du dragon :

   Un dragon jaune et bleu qui dormait dans du foin.

Il y en eut aussi pour les manches vertes du Lever :

    Vois tes piqueurs alertes,
    Et sur leurs manches vertes
    Les pieds noirs des faucons.

Sainte-Beuve trouvait le débutant plutôt trop avancé et lui reprochait d’abuser des enjambements et des « trivialités ». Il est surprenant que Sainte-Beuve, avec sa pénétration extraordinaire, n’ait pas deviné tout d’abord que Musset était un romantique né classique[1], autant dire un romantique d’occasion, sur lequel on avait tort de compter absolument, tiraillé qu’il était entre ses instincts et l’influence du milieu. Le reste du Cénacle fut excusable de ne pas s’en douter. Musset ne cachait pas son goût pour le XVIIIe siècle, mais on passe à un échappé de collège d’aimer Crébillon fils et Clarisse Harlowe. Quant à son admiration, très significative, pour les vers de Voltaire, on ne la prenait sans doute pas au sérieux chez un apprenti romantique qu’on avait nourri de Shakespeare et saturé de Byron, et à qui l’on avait fait étudier son métier, non sans profit, dans Mathurin Régnier. J’insiste sur ces détails

  1. La remarque est de M. Augustin Filon.