Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/49

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partie. Ce confident a ajouté que je serai surpris du changement. Je le souhaite et j’attends. » (2 avril 1830, à M. de Cairol.)

Musset était modeste et extrêmement intelligent. De là son attitude patiente et attentive lorsqu’on disait du mal de ses vers. Il avait d’ailleurs été dédommagé des injures de la presse. Non pas que le gros public eût été pour lui. Les bonnes gens, raconte Sainte-Beuve, ne virent dans le livre « que la Ballade à la lune, et n’entendirent pas raillerie sur ce point d’invention nouvelle : ce fut un haro de gros rires ». Mais les femmes et la jeunesse se déclarèrent en faveur de Musset, et tous les vieux amateurs de poésie qui n’étaient pas inféodés au parti classique sentirent plus ou moins nettement qu’il y avait là du nouveau.

Il y en avait en effet.

D’abord, des sensations d’une vivacité singulière, et puissamment exprimées :

    Oh ! dans cette saison de verdeur et de force,
    Où la chaude jeunesse, arbre à la rude écorce,
    Couvre tout de son ombre, horizon et chemin,
    Heureux, heureux celui qui….

A la page suivante, une sensation très vraie est si fortement rendue qu’elle se communique au lecteur, et qu’on voit passer l’image chère à don Paez :

    Don Paez cependant, debout et sans parole,
    Souriait ; car, le sein plein d’une ivresse folle,
    Il ne pouvait fermer ses paupières sans voir
    Sa maîtresse passer, blanche avec un œil noir.