Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/55

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j’ai discuté de huit heures du soir à onze heures. Quand je sors de chez Nodier ou de chez Achille (Devéria), je discute tout le long des rues avec l’un ou l’autre. En sommes-nous plus avancés ? En fera-t-on un vers meilleur dans un poème, un trait meilleur dans un tableau ? Chacun de nous a dans le ventre un certain son qu’il peut rendre, comme un violon ou une clarinette. Tous les raisonnements du monde ne pourraient faire sortir du gosier d’un merle la chanson du sansonnet. Ce qu’il faut à l’artiste ou au poète, c’est l’émotion. Quand j’éprouve, en faisant un vers, un certain battement de cœur que je connais, je suis sûr que mon vers est de la meilleure qualité que je puisse pondre. »

Plus loin, dans la même lettre : « Horace de V…. m’a appris une chose que je ne savais pas, c’est que depuis mes derniers vers, ils disent tous que je suis converti, converti à quoi ? s’imaginent-ils que je me suis confessé à l’abbé Delille ou que j’ai été frappé de la grâce en lisant Laharpe ? On s’attend sans doute que, au lieu de dire : « Prends ton épée et tue-le », je dirai désormais : « Arme ton bras d’un glaive homicide, et tranche le fil de ses jours ». Bagatelle pour bagatelle, j’aimerais encore mieux recommencer les Marrons du feu et Mardoche. » (4 août 1831.)

Des mois s’écoulèrent encore en discussions stériles. Une forte secousse morale, causée par la mort de son père (avril 1832), détermina enfin un retour au travail, et les anciens amis furent convoqués la