Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/57

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Pensées de Rafaël, de leurs grands frais d’indignation pour une plaisanterie :

    O vous, race des dieux, phalange incorruptible,
    Électeurs brevetés des morts et des vivants ;
    Porte-clefs éternels du mont inaccessible,
    Guindés, guédés, bridés, confortables pédants !
    Pharmaciens du bon goût, distillateurs sublimes,
    Seuls vraiment immortels, et seuls autorisés ;
    Qui, d’un bras dédaigneux, sur vos seins magnanimes
    Secouant le tabac de vos jabots usés,
    Avez toussé,—soufflé,—passé sur vos lunettes
    Un parement brossé pour les rendre plus nettes,
    Et, d’une main soigneuse ouvrant l’in-octavo,
    Sans partialité, sans malveillance aucune,
    Sans vouloir faire cas ni des ha ! ni des ho !
    Avez lu posément—la Ballade à la lune !!!

    Maîtres, maîtres divins, où trouverai-je, hélas !
    Un fleuve où me noyer, une corde où me pendre,
    Pour avoir oublié de faire écrire au bas :
    Le public est prié de ne pas se méprendre
   . . . . . . . . . . . . . . . . .
    On dit, maîtres, on dit qu’alors votre sourcil,
    En voyant cette lune, et ce point sur cet i,
    Prit l’effroyable aspect d’un accent circonflexe !

Le journaliste parisien accepte à la rigueur d’être traité de pédant, même bridé, même guédé ! Mais rien au monde ne lui est plus odieux, plus insupportable, exaspérant, inoubliable, que d’être convaincu de naïveté. Les critiques de 1830 gardèrent longtemps rancune à « ce jeune gentilhomme » qui « persiflait tout ».

Plus de coterie pour le défendre, puisqu’il était brouillé avec le Cénacle, et son nouveau volume était justement difficile à comprendre. Des trois poèmes qui le composaient, aucun n’était très accessible à