Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/58

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la foule sans le secours de commentaires. Le premier, la Coupe et les Lèvres, étonnait tout d’abord par sa forme inusitée. Ce choeur emprunté à la tragédie grecque, qui venait exprimer des idées fort peu antiques dans un langage très moderne, troublait et déroutait le lecteur. D’autre part, la donnée de la pièce est loin d’être nette ; plusieurs idées assez disparates s’y succèdent ou s’y mêlent confusément. L’auteur glisse sans s’en apercevoir de son sujet primitif à un autre sujet tout différent. Au premier acte, il semble qu’il ait voulu faire la tragédie de l’orgueil, comme Corneille a fait celle de la volonté, et qu’il va s’attacher à le montrer grandissant dans une âme ardente et forte.

    Tout nous vient de l’orgueil, même la patience.
    L’orgueil, c’est la pudeur des femmes, la constance
    Du soldat dans le rang, du martyr sur la croix.
    L’orgueil, c’est la vertu, l’honneur et le génie ;
    C’est ce qui reste encor d’un peu beau dans la vie,
    La probité du pauvre et la grandeur des rois….

         LE CHOEUR.

    Frank, une ambition terrible te dévore.
    Ta pauvreté superbe elle-même s’abhorre ;
    Tu te hais, vagabond, dans ton orgueil de roi,
    Et tu hais ton voisin d’être semblable à toi….

Mais ensuite ? Frank, qui s’élançait dans la vie avec tant de superbe, rencontre dans la forêt Belcolor qui lui dit : « Monte à cheval et viens souper chez moi », et le sujet change brusquement. Frank est maintenant celui que la débauche a touché dans la fleur de sa jeunesse et qui en garde au cœur une flétrissure.