Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/77

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pas de moi ; je suis forte comme un cheval ; mais ne me dis pas d’être gaie et tranquille. Cela ne m’arrivera pas de sitôt. Ah ! qui te soignera et qui soignerai-je ? Qui aura besoin de moi, et de qui voudrai-je prendre soin désormais ? Comment me passerai-je du bien et du mal que tu me faisais ?…

« Je ne te dis rien de la part de P. (Pagello) sinon qu’il pleure presque autant que moi. »

(15 avril.) «…. Ne crois pas, ne crois pas, Alfred, que je puisse être heureuse avec la pensée d’avoir perdu ton cœur. Que j’aie été ta maîtresse ou ta mère, peu importe ! Que je t’aie inspiré de l’amour ou de l’amitié, que j’aie été heureuse ou malheureuse avec toi, tout cela ne change rien à l’état de mon âme à présent. Je sais que je t’aime à présent, et c’est tout…. »

Elle se demande comment une affection aussi maternelle que la sienne a pu engendrer tant d’amertumes : « Pourquoi, moi qui aurais donné tout mon sang pour te donner une nuit de repos et de calme, suis-je devenue pour toi un tourment, un fléau, un spectre ? Quand ces affreux souvenirs m’assiègent (et à quelle heure me laisseront-ils en paix ?), je deviens presque folle, je couvre mon oreiller de larmes. J’entends ta voix m’appeler dans le silence de la nuit. Qui est-ce qui m’appellera à présent ? Qui est-ce qui aura besoin de mes veilles ? A quoi emploierai-je la force que j’ai amassée pour toi, et qui, maintenant, se tourne contre moi-même ? Oh ! mon enfant, mon enfant ! Que j’ai besoin de ta tendre