Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/76

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«….Je doute que nous redevenions amants. Nous ne nous sommes rien promis l’un à l’autre, sous ce rapport, mais nous nous aimerons toujours, et les plus doux moments de notre vie seront ceux que nous pourrons passer ensemble. »

Musset écrit à Venise de toutes les étapes de la route. Ses lettres sont des merveilles de passion et de sensibilité, d’éloquence pathétique et de poésie pénétrante. Il y a çà et là une pointe d’emphase, un brin de déclamation ; mais c’était le goût du temps et, pour ainsi dire, la poétique du genre[1].

Il lui écrit qu’il a bien mérité de la perdre, pour ne pas avoir su l’honorer quand il la possédait, et pour l’avoir fait beaucoup souffrir. Il pleure la nuit dans ses chambres d’auberge, et il est néanmoins presque heureux, presque joyeux, parce qu’il savoure les voluptés du sacrifice. Il l’a laissée aux mains d’un homme de coeur qui saura lui donner le bonheur, et il est reconnaissant à ce brave garçon ; il l’aime, il ne peut retenir ses larmes en pensant à lui. Elle a beau ne plus être pour l’absent qu’un frère chéri, elle restera toujours l’unique amie.

George Sand à Musset (3 avril) : « Ne t’inquiète

  1. La famille de Musset s’oppose malheureusement, par des scrupules infiniment respectables, mais que je ne puis m’empêcher de croire mal inspirés, à ce qu’il soit imprimé aucun fragment de ses lettres inédites, et particulièrement de ses lettres à George Sand. Il est cruel pour le biographe d’être contraint de traduire du Musset, et quel Musset ! dans une prose quelconque. Il est injuste et imprudent de ne pas laisser Musset parler pour lui-même en face d’un adversaire tel que George Sand, dont les lettres sont aussi bien éloquentes.