Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/86

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m’as fait, ne meurs pas sans moi. Souviens-toi que tu me l’as promis devant Dieu. Mais je ne mourrai pas sans avoir fait un livre sur moi, sur toi surtout. Non, ma belle fiancée, tu ne te coucheras pas dans cette froide terre sans qu’elle sache qui elle a porté. Non, non, j’en jure par ma jeunesse et par mon génie, il ne poussera sur ta tombe que des lys sans tache. J’y poserai de ces mains que voilà ton épitaphe en marbre plus pur que les statues de nos gloires d’un jour. La postérité répétera nos noms comme ceux de ces amants immortels qui n’en ont plus qu’un à eux deux, comme Roméo et Juliette, comme Héloïse et Abailard. On ne parlera jamais de l’un sans l’autre…. Je terminerai ton histoire par un hymne d’amour…. »

Le calme de cette lettre était trompeur. Il part pour Bade (vers le 25 août ; il est passé à Strasbourg le 28), et ce sont aussitôt des explosions de passion, des lettres brûlantes et folles. « (Baden, 1834, 1er septembre). Jamais homme n’a aimé comme je t’aime, je suis perdu, vois-tu, je suis noyé, inondé d’amour. » Il ne sait plus s’il vit, s’il mange, s’il marche, s’il respire, s’il parle ; il sait seulement qu’il aime, qu’il n’en peut plus, qu’il en meurt, et que c’est affreux de mourir d’amour, de sentir son cœur se serrer jusqu’à cesser de battre, ses yeux se troubler, ses genoux chanceler. Il ne peut ni se taire, ni dire autre chose : « Je t’aime, ô ma chair et mes os et mon sang. Je meurs d’amour, d’un amour sans fin, sans nom, insensé, désespéré,