Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/88

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31 août. Tous mes amis… sont venus me voir…. J’ai éprouvé un grand plaisir à me retrouver là. C’était un adieu que je venais dire à mon pays et à tous les souvenirs de ma jeunesse et de mon enfance, car vous avez dû le comprendre et le deviner, ma vie est odieuse, perdue, impossible, et je veux en finir absolument avant peu…. J’aurai à causer longuement avec vous et à vous charger de l’exécution de volontés sacrées. Ne me sermonnez pas d’avance. Quand nous aurons parlé ensemble une heure, quand je vous aurai fait connaître l’état de mon cerveau et de mon cœur, vous direz avec moi qu’il y a paresse et lâcheté à essayer de vivre, depuis si longtemps que je devrais en avoir fini déjà[1]. »

Et Pagello ? On l’avait laissé tout seul à Paris, et il était de fort méchante humeur. Il trouvait très mauvais qu’on l’eût emmené à deux cent cinquante lieues pour lui faire jouer un aussi sot personnage.

George Sand à Musset (au crayon et sans date. Elle écrit sur ses genoux, dans un petit bois) : « Hélas ! Hélas ! Qu’est-ce que tout cela ? Pourquoi oublies-tu donc à chaque instant, et cette fois plus que jamais, que ce sentiment devait se transformer, et ne plus pouvoir, par sa nature, faire ombrage à personne ? Ah ! tu m’aimes encore trop ; il ne faut plus nous voir. C’est de la passion que tu m’exprimes ; mais ce n’est plus le saint enthousiasme de

  1. On trouvera des détails curieux sur son état d’esprit durant cette crise dans la 4e des Lettres d’Un Voyageur. La 1re a trait à la séparation de Venise.