Page:Barine - Névrosés : Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval.djvu/163

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Que l’on contemple maintenant cette pure intelligence. Les admirateurs de Quincey réclament pour lui plus que du talent : du génie, et ils ont raison. La plupart des critiques anglais se sont néanmoins refusés à attacher de l’importance à son œuvre, malgré ses luttes en faveur des lakistes, malgré tout ce qu’il a fait pour initier l’Angleterre à la pensée allemande, et les critiques ont eu raison. Qu’est-ce qu’un génie qui ne donne plus que des miettes de pensée, des miettes d’idées et de raisonnements, où rien ne se tient et rien ne se suit ? Qu’est-ce que le monument littéraire d’un génie en poussière ? Quincey écrivait un jour à un ami, en parlant de ses propres ouvrages : « C’est comme si l’on trouvait de fins ivoires sculptés et des émaux magnifiques mêlés aux vers et aux cendres, dans les cercueils et parmi les débris de quelque monde oublié ou de quelque race disparue. » Des bijoux de grand prix parmi les ossements et dans la poussière d’un tombeau, voilà en effet ce que Thomas de Quincey nous a laissé ; voilà quelle a été l’œuvre de l’opium.