Page:Barine - Névrosés : Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval.djvu/235

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quel genre sont « admirables ». Nous n’aurions pas à chercher bien loin pour citer vingt ou trente soi-disant « personnages littéraires » auxquels ces lignes feront faire un retour sur eux-mêmes et sur « leur gloire », et qui rougiront de honte, à moins qu’ils ne soient à moitié idiots, ce que je serais assez disposé à croire, ou endurcis par une habitude prolongée de la mauvaise foi. Il appartiendrait à la critique de faire justice de ce puffisme éhonté, de ces charlatans pleins d’impudence ; mais il est de notoriété publique que notre critique est à vendre. Les uns empochent purement et simplement ; ce sont les moins malfaisants ; on les prend pour ce qu’ils valent. Les autres pratiquent le pot-de-vin indirect et savant ; ils sont considérés ; ce sont les véritables empoisonneurs de l’esprit public. Les relations d’éditeur à critique sont, de nos jours, des relations de forban à forban. Je défie bien qu’on me donne un démenti[1]. »

Ce sont là des paroles courageuses, quand on se reporte à la situation difficile de celui qui les traçait. Maintenant que les victimes de Poe sont mortes et oubliées, leurs descendants commencent à reconnaître qu’il a rendu un grand service à son pays en remettant les choses au point et en réduisant à néant les ridicules pantins de lettres qui donnaient aux États-Unis, à force de s’agiter, l’illusion de posséder une littérature. Les plus francs avouent qu’on ne peut lui reprocher que d’avoir été encore trop indulgent et d’avoir fait l’éloge de mainte nullité. Mais de son vivant, lorsque ses articles éclataient comme des bombes dans les petites chapelles littéraires où les fidèles étaient occupés à s’encenser les uns les autres, ils provoquaient d’inexpiables rancunes, trop faciles

  1. The Quacks of Helicon.