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L’APPEL AU SOLDAT

mier. Demain vous dépolluerez ma bouche. » On remarque chez Henri IV et chez Boulanger une certaine, bonne humeur militaire que des raffinés appelleront une vulgarité bien française.

— Il est un peu commun, disait Mme  de Nelles, mais il a dans les yeux quelque chose de triste.

Quand le jeune homme se leva, elle lui recommanda, en lui donnant sa petite main, de voir M. de Nelles :

— Je désire que vous soyez bons amis.

Les cent cinquante personnes réunies ce soir-là n’ont pas, comme Sturel, attendu le boulangisme pour mettre un intérêt principal dans leur existence, Cependant tous les regards et toutes les conversations sont orientés vers Boulanger. Mais au lieu de l’entourer avec l’âme de son jeune partisan qui est prêt à le porter et qui tremble de lui voir un obstacle, ils ressentent à son endroit la secrète malveillance de tous les publics pour l’orateur, pour le dompteur, pour l’équilibriste qu’on applaudira s’il y force, mais de qui l’on pense d’abord : « Il va culbuter, et ça lui apprendra ! »

Peut-être n’y avait-il de parti pris décidé en faveur du Général que chez les boulangistes de sa suite et chez quelques bonapartistes. Ils fraternisaient ces soirs-là comme une veille de bataille.

Sturel rejoignit dans la foule un ancien membre de l’« Appel au peuple » pour lui demander :

— Nelles est-il des nôtres ?

— Dillon vous répondrait que oui. Et moi, je vous dis : « Ne vous fiez jamais à un orléaniste. » Ce grand imbécile de Nelles, orléaniste au fond, je vous le garantis, n’attendait rien que de Jules Ferry quand il