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L’APPEL AU SOLDAT

quelle est la politique européenne près de l’Empereur du Maroc ? La France, l’Angleterre, l’Allemagne voudraient chacune le décider à accepter un prêt… Quel malheur que le Prince Napoléon n’ait pu obtenir de l’Impératrice un million ! — Et s’interrompant : — Connaissez-vous ces deux personnes qui attirent à l’écart le Général et Dillon ? Eh bien, voilà les chefs de la Bourse : deux membres du Comité chargé, dit-on, de gérer d’accord avec vous autres les subsides orléanistes.

Sturel, avec la délicatesse de l’adolescence, fut gêné de la dépendance qu’une telle situation, si elle était réelle, faisait dans ce milieu au Général et à ses amis. Il n’avait encore connu que l’enivrement de succès dont il ignorait les moyens : il eut une de ces minutes de clairvoyance où l’on constate qu’il n’y a pas de place pour les hermines en politique. Au début, cette vérité banale empoisonne l’âme.

Le bonapartiste, cependant, après une longue diatribe contre les orléanistes, pour lesquels il gardait une haine arrivée à son apogée le 4 septembre 1870, s’apercevait bien que son compagnon, dont les regards allaient du Général à Mme  de Nelles, ne l’écoutait plus et il finissait par une pointe :

— La plupart viennent chercher ici une circonscription ; vous, c’est peut-être une jolie femme. Prenez les deux. Mais, si vous m’en croyez, prenez aussi la circonscription à un orléaniste.

Il y a le ton jésuite, le ton franc-maçon, le ton orléaniste, le ton opportuniste, le ton bonapartiste, car chaque parti politique est l’cxpressiou d’un tempérament très défini. La bonne santé de ce bougon rendit à Sturel du ressort. Continuellement les pen-