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L’APPEL AU SOLDAT

— Oui, Tous mes renseignements le confirment. Ça y est.

Alors, le regardant bien en face, le jeune député dit :

— Qu’est-ce qui se passera ? Coucherez-vous à l’Élysée ? ou ferez-vous envahir la Chambre le lendemain ?

— Êtes-vous fou ? dit Boulanger. Pourquoi serais-je si pressé ? Le 2 décembre a pesé continuellement sur l’Empire. Je ne veux pas faire couler de sang. Je refuse de répondre à de pareilles invites. Je ne ferai rien en dehors des élections.

Des mots qui découragent ! mais enfin des mots ! Les événements peuvent contraindre et porter les hommes. Laguerre retourne au plus épais de la mêlée.

Parmi les conservateurs, les amoureux de la tribune ont le dessous. Le comte de Paris a décidé qu’on n’aura pas de candidat. Les révolutionnaires présentent un ouvrier, Boulé. La France parlementaire, aiguillée par Floquet, marche toute au combat derrière Jacques, candidat de la République.

Bien que conseiller municipal de Paris, Président du Conseil général de la Seine, et de son état distillateur, le personnage parut obscur. C’était un galant homme, de taille moyenne, avec d’agréables cheveux blancs, un vieillard d’aspect soigné. Peut-être ne prisait-il pas et ignorait-il le latin, mais on l’imagine une tabatière à la main et un doigt dans Horace. Ce n’était pas l’homme des foules. Le voyant encadré de MM. Clemenceau, Ranc et Joffrin, elles se rappelèrent une boutique célèbre intitulée : « Au pauvre Jacques ».