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UN SOLEIL QUI VA BIENTÔT PÂLIR

l’avocat de consentir à penser, fût-ce devant un seul témoin, autrement qu’il ne ferait en public.

Le jeune historien, avec une complaisance un peu méprisante pour cet anxieux utilitarisme, développe sous toutes les formes son système :

— Je ne prédis pas l’avenir : j’ignore qui triomphera. Mais j’affirme qu’on ne restera plus longtemps dans la légalité. Que Boulanger s’y obstine, il en sera la dupe. Ses adversaires organiseront contre lui le coup de main qu’il pouvait tenter hier. Son unique ressource, c’est de les devancer, s’il en possède le moyen.

Et Suret-Lefort, en observant de côté son camarade, se dit : « Il croit à l’organisation opportuno-radicale ; voilà pourquoi il ne se déclare pas pour le Général. Peut-être veut-il entrer dans l’enseignement ? »

Après le 27 janvier, il y eut un silence dans le pays, que les cris triomphants des meneurs boulangistes et les injures de la presse gouverrnentale n’empêchèrent aucun homme sensé de percevoir, et fort analogue au tâtonnement qui dans un duel précède une attaque furieuse.

Tous ceux qui dépendent des mouvements électoraux montrent des visages pâles. Désormais sans troupes, rejoindront-ils Boulanger pour devenir ses lieutenants auprès des masses qu’ils ont commandées, ou bien s’effaceront-ils derrière les hommes vraiment conscients du régime, que Challemel-Lacour définit en les opposant à ceux qui vivent l’œil fixé sur l’électeur ?

Comme une balle rebondit sous le coup, Bouteiller