Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
230
L’APPEL AU SOLDAT

rassérénera. Boulanger exige, vous m’entendez bien, exige que le Comité qui le recevra à Tours s’intitule « Comité républicain national ».

Il leva un doigt en l’air et répéta : « républicain. » Tout de même, Suret-Lefort, le long de la rue de Moscou, continuait de bougonner :

— Nous les avons déjà, les catholiques ; ce banquet ne vaut que pour rallier leurs états-majors qui nous embarrasseront. Ils obtiendront qu’on ne leur oppose pas de candidats. Nous sommes-nous compromis avec Boulanger pour qu’il soigne les cléricaux de Tours et se désintéresse de nos élections ?

Ce dernier trait expliquait son dépit. En transportant au banquet de Jules Delahaye les déclarations de politique religieuse qu’on avait songé à faire entendre sur la tombe d’un héroïque curé ardennois, on ruinait le moyen du jeune radical pour rallier les masses réactionnaires dans la Meuse. Suret-Lefort pouvait se plaindre d’un manque de parole. Dillon, qui aimait à promettre, l’avait assuré que le Général visiterait la région de l’Est. Affamé d’influence, il sentait l’injure ; anxieux de sa réussite, il prévoyait une diminution sur sa droite ; il rêva de la compenser par un appui ministériel.

Nelles, dont il appréciait l’esprit politique, le rassura sur leurs intérêts qui semblaient opposés, mais qu’ils avaient liés, cherchant tous deux leur élection dans « la marche parallèle » :

— Le 16 mars, le Général vient dîner rue de Prony. Vous êtes des nôtres. En fumant nous réglerons définitivement son voyage dans l’Est. Il n’y a pas de temps perdu. Pas de dépit, car je le crois très fort ; pas de zèle, car je le crois très menacé. La folie