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UN SOLEIL QUI VA BIENTÔT PÂLIR

et présente chacun avec de grands éloges à Boulanger, qui serre et serre encore des mains.

À ses côtés se pressent et l’assistent ceux de sa garde, Déroulède, Laguerre, Naquet, Laisant, Millevoye, Le Hérissé, Laur, toujours pareils à eux-mêmes, ceux-là, et le visage maigri par leurs terribles efforts d’agitateurs. Dans cet état-major, nulle jalousie qu’on sache. Tant que dure la bataille, il y a une série indéfinie de mérites ouverts à tous ; et autour du chef, un peu mystérieux comme sa popularité, si parfaitement aimable, quel agréable et animé mélange de déférence et de familiarité ! Ils lui obéissent, mais il n’y a pas de servage, car ils le protègent, ils reçoivent des coups pour lui. Ils l’ont accepté de plein gré, ils l’ont créé, et maintenant, à chaque minute, ils l’acceptent encore et le créent. De sa force, de son optimisme, ils jouissent comme de leur œuvre. Eux-mêmes, si clairvoyants, sont à demi grisés de leur fatigue. Derniers feux, les plus beaux, d’un soleil qui va bientôt pâlir ! C’est en même temps l’heure de la plus haute marée ; sur toute la France, le flot boulangiste fait son écume, et des espaces qui, depuis, redevinrent des grèves désertes, communiquent par cette nappe. Ils sont « la bande », cette flore et aventureuse bande, bien imparfaite elle-même, à qui l’on peut reprocher des tares comme à tous ceux qui sortent du parlementarisme, mais qui fut quelques jours l’arme de la nation.

Quant à ce boulangisme impur, solliciteur plutôt que soldat, de formation récente, et que Nelles a convoqué, son vrai centre n’est point Boulanger, mais Dillon. Ce personnage, dans cette minute, fortement congestionné et l’œil recouvert, approuve sans inter-