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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

— Enfin, vous auriez ramené Louis XVI à son poste ?

— Je ne comprends pas des autorités sociales qui désertent leur devoir. Mon pauvre père, ton aïeul, disait toujours que nos ducs, en quittant leur Lorraine pour la Toscane, avaient commis un crime contre la nation lorraine.

— L’aïeul d’Henri regrettait la nationalité lorraine ! s’écria Sturel surpris. Alors il n’aimait point la France ?

La vieille dame parut à la fois mécontente et désorientée.

— Ton point de vue nous semble un peu simple, dit Saint-Phlin à son ami. Ma grand’mère est attachée à la terre : c’est une féodale. Elle a l’idée d’un système de droits et de devoirs reliant les gens du pays et l’administration. Le pouvoir qui assure de l’ordre, de la moralité, du bien-être autour de Saint-Phlin est légitime.

— Alors, madame, vous n’avez pas de préjugé dynastique contre le général Boulanger ?

— Monsieur Sturel, si le général Boulanger fait le bien de la France, les honnêtes gens lui seront reconnaissants, parce que, vraiment, dans nos campagnes, on n’est pas satisfait. Mais où trouve-t-il la force de se donner une telle mission ? Pourquoi sortir de l’armée où l’on dit qu’il servait utilement son pays ? J’approuve des jeunes gens comme vous qui veulent de l’ordre et de l’honnêteté, mais je prie Dieu qu’ils ne se trompent pas sur les moyens, parce que, avec un cœur sincère, ils seraient pourtant des coupables,

La causerie, les longs détails de Mme Gallant sur Varennes s’étaient prolongés bien après le repas de