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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

naux de partis qu’on ne recevait point à Saint-Phlin. Ils allèrent, après midi, se promener jusqu’à la petite bibliothèque de la gare de Clermont.

Sturel, au retour, s’abritait d’un beau couchant de juin avec l’Intransigeant, la Presse et le Gaulois dépliés. Il lisait à haute voix les passages les plus intéressants : on accusait un garde des sceaux « dont la place serait à Poissy plutôt qu’au banc des ministres » d’avoir fait une campagne de baisse contre la Banque de France avec un escroc nommé Jacques Meyer. — La police ne tenait plus ses agents : dans une bagarre, place de la Concorde, ils venaient de « laisser nager tout seul leur chef M. Clément », et même avaient délivré un prisonnier.

— Bonnes nouvelles ! disait Sturel.

Mais Saint-Phlin, chassant du pied les cailloux, répétait :

— Ça n’est pas ça… Non, ça n’est pas ça qui fera plaisir à ma grand’mère.

— Enfin, on met Boulanger hors la loi ; il se bat et ses amis le défendent.

— Qu’est-ce que tu veux, François ! chez nous l’effet est détestable !

— Mais enfin, que demande-t-elle, ta grand’mère ?

— Pardon ! ce n’est pas à elle de donner un programme. Vous faites des offres qu’elle acceptera ou rejettera.

— Eh bien ! tu connais mes idées. Dans la Vraie République, Rœmerspacher et moi, et toi aussi, nous les répétions à chaque numéro. Il n’y a plus de coordination entre les efforts des Français ; nous ne connaissons pas ce que nous sommes ni par suite ce que nous devenons.